Raymond, Antoine, Langlois naît le 30 juin 1922 à Noisy-le-Sec [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils de César Langlois, 52 ans, magasinier-comptable. Raymond a une sœur aînée, Marthe, née en 1917.
Enfant, Raymond Langlois appartient à la chorale de L’Étoile Rouge, groupe culturel affilié à la Fédération du théâtre ouvrier de France. Son père, César Langlois, est élu au conseil municipal de Noisy-le-Sec le 12 mai 1935 sur une liste présentée par le Parti communiste et conduite par Félix Routhier, maire jusqu’en 1940.
Raymond Langlois est ami avec Rolland Delesque (dit “R2L”) [2], membre des Jeunesses communistes, dont le père est également élu au conseil municipal de Noisy-le-Sec.
Raymond et Rolland font ensemble des balades en vélo dans l’Eure (bien que Rolland ait été amputé d’un bras à la naissance, il participe à des compétitions cyclistes). Un autre ami de Raymond Langlois – « presqu’un frère » – est Gaston Robin, dit Toto, qui s’engagera dans les FFI en 1944.
Raymond Langlois est habile à la carabine, comme Rolland Delesque – malgré son handicap -, au point que les forains qui s’installent dans les parages leur refusent l’accès à leurs stands de tir pour empêcher leurs « razzias de peluches ».
Au moment de son arrestation, Raymond Langlois est domicilié chez sa mère, Véronique, dans une petite maison au fond d’une cour au 73, rue de Merlan à Noisy-le-Sec.
Au début de l’occupation, il est actif dans la clandestinité, toujours avec son ami Rolland.
Le 16 octobre 1940, Raymond Langlois est arrêté sur dénonciation d’un voisin épicier. Probablement jugé et condamné, il est incarcéré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).
À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 8 juin 1941, le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Faute de place au centre de séjour surveillé d’Aincourt, alors saturé, Raymond Langlois est maintenu en détention à Poissy.
Le 28 novembre 1941, il fait partie du groupe des neuf derniers internés de Poissy transférés en train via Paris-Austerlitz au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Parmi eux, quatre autres futurs “45000” : Alfred Chapat, Pierre Marin, Marcel Nouvian et Eugène Thédé.
Le 9 décembre, le préfet de Seine-et-Oise écrit au “Conseiller supérieur d’administration de guerre” de la Feldkommandantur de Saint-Cloud comme suite à ses instructions du 13 novembre, afin de lui transmettre les avis de transfert des neuf hommes.
Le 22 mai 1942, Raymond Langlois fait partie d’un groupe de 156 internés de Rouillé – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Langlois est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Raymond Langlois est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45725 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Raymond Langlois est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Le 12 novembre, il est admis au Block n° 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.
En janvier 1943, il se trouve encore à l’hôpital avec Marcel Cimier. Sortis en même temps, ils décident de se soutenir mutuellement. Assignés au Block 9, ils sont affecté à un mauvais Kommando de déchargement des wagons. Alors qu’ils se présentent pour la visite de consultation au Block 28, ils “passent au travers” une sélection “surprise” pour le Block 7 de Birkenau, mouroir conduisant à la chambre à gaz. Une autre fois, alors qu’ils sont pris dans un groupe de détenus devant passer à la sélection, ils parviennent à s’enfuir et à se cacher.
Ensuite, ils sont pris dans un Kommando où les coups sont rares mais où le travail lui-même est épuisant : il s’agit de creuser des tranchées dans un sol durcit par le gel pour y poser des canalisations. En avril, sachant que de nombreux détenus polonais ont été déportés vers le Reich, ils se présentent spontanément au kapo des cuisines et parviennent à s’y faire embaucher.
Mais, au début du mois de mai, Raymond Langlois, atteint de tuberculose, est épuisé et admis à l’hôpital, au Block 20, où André Montagne, de Caen, est aide-infirmier depuis le début mars 1943.
Sur les radiographies successives de ses poumons, Raymond Langlois peut constater la progression inéluctable de la maladie qui le tue.
Il meurt au Block 20 ; le 11 novembre 1943 selon le témoignage de Georges Brumm. Il a 21 ans.
Le nom de Raymond Langlois est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés sur le Monument aux morts de Noisy-le-Sec, situé dans l’ancien cimetière, et sur la stèle 1939-1945, place du maréchal-Foch.
Son père, César Langlois meurt à Noisy le 19 juillet 1945. À cette date, il aurait pu apprendre le sort de son fils par un rescapé.
Notes :
[1] Noisy-le-Sec : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Rolland Delesque a dit à son fils se souvenir que le père de son ami Raymond Langlois était fils d’un adjoint SFIO au maire de Noisy-le-Sec (PCF) et qu’il appartenait aux Jeunesses Socialistes avant de rejoindre les JC clandestines.
Sources :
Marcel Cimier, Les incompris, souvenirs publiés dans Les cahiers de Mémoire : déportés du Calvados, textes présentés par Béatrice Poulle, conservateur aux Archives départementales du Calvados, publiés par le Conseil Général du Calvados, 1995, p. 96 à 99.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 243 et 244, 268 et 269, 385 et 409.
Messages de Claude Delesque, fils de Rolland dit “R2L” (03-2006, 03-2008, 09-2011) ; texte Les lettres de Aincourt et les 45000.
Claude Pennetier, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron.
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2374 (camps d’internement…).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 107.
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4582).
Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W77, 1W80 (notice individuelle), recherches de Claude Delesque.
Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block n° 20 de l’hôpital d’Auschwitz, p. 82.
Site Mémorial GenWeb, 93-Noisy-le-Sec, relevés de P. Caulé (2000-2002) et de Ch. Level-Debray (10-2003).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 25-09-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.