René, Jean, Domenc naît le 8 octobre 1906 à Maisoncelles (Seine-et-Marne – 77), fils de Jean Domenc et de Jeanne Viratelle. Il a – au moins – un frère.
Il a une formation de mécanicien automobile.
En 1926, il effectue son service militaire dans le 3e groupe aéro(naval ?).
Le 6 octobre 1928 à Bougligny (77), René Domenc se marie avec Marcelle Lucet, née dans cette commune le 2 août 1908. Ils n’auront pas d’enfant.
Le couple est domicilié au 92, rue de France, à Fontainebleau (77).
Militant actif du Parti Communiste, René Domenc est trésorier de la section de Fontainebleau – dont Prudent Prel est le secrétaire – de 1936 à 1939.
Le 28 janvier 1939, à la demande de la direction générale de la Sûreté nationale au ministère de l’intérieur, et après avoir consulté ses sous-préfets, le préfet de Seine-et-Marne transmet à celle-ci un long rapport sur « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de son département dans lequel sont répertoriées les cellules du parti communiste. Il désigne René Domenc comme secrétaire de la cellule n°1 Fontainebleau-Nord.
Dans un rapport de police daté du 10 octobre 1940, il est mentionné que René Domenc est alors au chômage.
À la veille de son arrestation, il travaille comme chauffeur mécanicien et aide déménageur dans la Maison A. Delachasse, située aux 45 et 57 rue de France (une autre source désigne René Domenc comme ouvrier mécanicien (contremaître) au garage Levy [1], situé au 25, rue de France, juste à côté du domicile de son ami Prudent Prel ; peut-être antérieurement…).
Le 8 juin 1940 – en pleine débâcle ! – un fonctionnaire de police rédige une note impliquant quatre habitants de Fontainebleau. « Une information de source paraissant sérieuse fait connaître que : 1°) un nommé Domenc, résidant 92, rue de France rez-de-chaussée, et actuellement employé dans une usine à Paris, ou aux environs, serait un communiste très actif. La femme de Domenc est employée dans une maison de tissus et vend sur la place du marché près de la statue. Elle tient constamment des propos défaitistes. Domenc est également locataire d’un premier étage qui aurait été déménagé de nuit durant l’avance allemande sur Amiens. Quand la dame Domenc doit sortir, elle monte invariablement au grenier comme pour se rendre compte que tout va bien là-haut. Des renseignements complémentaires peuvent être recueillis près de Madame N., boulangère. D’autre part, pendant la guerre d’Espagne, Domenc avait comme mission de conduire volontaires et armes à la frontière espagnole. Une perquisition au domicile de cet individu semblerait indiquée » […].
Le 8 octobre 1940, le commissaire de police de Fontainebleau envoie son rapport au préfet en mentionnant seulement à propos de René Domenc : « connu pour ses opinions communistes, dont il ne se cache pas, il n’a cependant jamais attiré l’attention de nos services par des propos défaitistes. Quant à sa femme, on ne fait sur son compte aucune remarque particulière. Ses opinions politiques seraient celles de son mari ». Le 21 octobre, le préfet répond : « Je n’envisage pas quant à présent de mesure administrative à l’encontre l’intéressé. Mais vous voudrez bien toutefois lui adresser un sévère avertissement et l’informer qu’il sera tenu pour responsable de toute activité communiste à Fontainebleau ».
Le 19 octobre 1941, à 14 h 40, René Domenc est arrêté au hameau de Corbeval, dans la commune de Bougligny, où il semble avoir une deuxième domicile, par deux gendarmes de la brigade de Château-Landon, lesquels ont reçu un appel téléphonique de la brigade de Fontainebleau leur enjoignant de procéder à cette arrestation à la demande de la Feldgendarmerie de la ville. Le matin même probablement, deux Feldgendarmes de Melun s’étaient présentés à son domicile de Fontainebleau. René Domenc est conduit dans la chambre de sûreté de la caserne de gendarmerie de Château-Landon en attendant sa prise en charge par les militaires allemands. Il est interpellé dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant et visant des communistes de la Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte ayant eu lieu dans le département : une quarantaine d’entre eux seront des “45000”.
René Domenc est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 1770.
Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes pouvant être proposés pour une exécution de représailles sur laquelle est inscrit René Domenc.
En avril 1942, son frère obtient la permission de lui rendre visite.
Entre fin avril et fin juin 1942, René Domenc est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Alors que les préparatifs du départ sont en cours, son ami Prudent Prel écrit un message qui parviendra à sa famille : « 5 juillet 1942 – 9h. du matin […] Nous sommes sur notre départ pour une destination inconnue, je ne sais où ils vont nous emmener […] Serons-nous déportés et considérés comme tels ? Ou irons-nous travailler en Allemagne ? […] De la région, nous partons à beaucoup : René Coudray, Bonhomme, Magnat, Trolet, Ménager, tous copains de Champagne[-sur-Seine] et de Moret[-sur-Loing], mais nous allons être dispersés, nous sommes divisés par groupe de trois cents. Nous partons à 1.200. René est du groupe 2, moi du groupe 3. C’est par lettre : René lettre D [Domenc], moi lettre P. Espérons que nous nous retrouverons à l’arrivée, car nous allons partir par fraction. […] »
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, René Domenc est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45482 selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Domenc est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 [2], d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès (Sterbebücher), en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]).
Le 8 décembre 1943, l’Agence centrale des prisonniers de guerre du Comité international de la Croix-Rouge, basé à Genève (Suisse), écrit au comité allemand de la Croix-Rouge (Deutsche Rote Kreuz) à Berlin pour lui demander de la renseigner sur la situation de René Domenc. Le 1er mars 1944, par un formulaire sur lequel il suffit de rayer la mention inutile, le Bureau central de sécurité du Reich (Gestapo) répond au Service de l’étranger de la Croix-Rouge allemande : « b) pour des raisons de police d’État, aucun renseignement ne peut être donné sur son lieu de séjour ni sur son état de santé ».
Le 25 mai 1945, Marcelle Domenc remplit un formulaire de « demande de recherches pour déporté » imprimé par le ministère des prisonniers, déportés et réfugiés ; elle sait alors que lieu de déportation de René est Auschwitz.
À une date inconnue, elle apprend le décès de son mari « par un camarade ».
Le 26 mars 1946, à Flers (Orne), Eugène Garnier rédige une attestation certifiant le décès de son camarade René Domenc. Le 4 avril suivant, André Faudry, de Saint-Maur-des-Fossés (Seine / Val-de-Marne) signe une attestation à en-tête de l’Amicale d’Auschwitz siégeant à la Fédération nationale des déportés et internés patriotes (FNDIRP), rue Leroux à Paris 16e. Le 25 mai, Madame Domenc remplit une « demande formulée en vue d’obtenir la régularisation d’un “non rentré” ». Le 19 janvier 1947, elle reçoit l’acte de disparition de son mari. Le 29 octobre suivant, le tribunal civil de Fontainebleau déclare René Domenc décédé à la date présumée du 25 août 1942, suivant la déclaration d’Eugène Garnier, et l’acte de décès est transcrit sur le registre d’état civil le 21 novembre. Le 15 février 1948, Marcelle Domenc remplit une demande d’inscription de la mention “Mort pour la France”. Ce sera fait en juin suivant. Le 14 novembre 1950, elle remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique. Dans sa séance du 8 juillet 1952, la commission départementale des anciens combattants et victimes de guerre rend un avis favorable et, le 7 janvier 1953, le Ministère attribue le titre à René Domenc, envoyant deux semaines plus tard la carte n° 1.101.03718 à sa veuve.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 31-07-1988).
Le nom de René Domenc est inscrit parmi les morts pour la France de la période « 1941-43 » – juste au-dessus de Prudent Prel – sur le monument aux morts de Fontainebleau, situé place des combattants morts pour la France (anciennement place de Verdun).
Le garagiste qui l’employait, Monsieur Lévy (Moïse ?), a également été déporté (sort inconnu…).
Notes :
[1] Le garage Lévy : avant-guerre, le garage est au nom de Maurice Lévy, né Mayer Isidore Lévy le 14 juillet 1905 à Paris. En 1940, il divorce d’avec son épouse et celle-ci reprend l’entreprise à son nom, ce qui entrave son aryanisation par le Commissariat général aux questions juives (CGQJ), car elle n’est pas juive. Il est possible que Maurice Lévy se réfugie ensuite à Nice. Arrêté, il est peut-être affecté comme conjoint d’Aryen au “camp d’Austerlitz”, quai de la gare, principal entrepôt pour les objets d’ameublement saisis dans les appartements abandonnés par des Juifs déportés, expatriés ou entrés en clandestinité. Il est déporté le 3 février 1944 au départ de Drancy (matr. 6839) par le convoi n° 67 (numérotation Klarsfeld), 671e de la liste.
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
Concernant René Domenc, c’est le 25 août 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 127 et 128, 150 et 153, 378 et 402.
Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet (3384W8), notes (SC51241).
Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Domenc René (21 P 444-243), recherches de Ginette Petiot (message 03-2018)
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet : Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), liste d’otages, document allemand, cote XLIV-60.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 232 (31470/1942).
Fontainebleau-Avon 1940-1945 à travers plaques, stèles et monuments : faits de résistance, répression, persécutions, dossier réalisé par les élèves de 3eD du collège de la Vallée à Avon sous la direction de Maryvonne Braunschweig, professeur d’histoire-géographie, dans le cadre du concours de la Résistance et de la Déportation 1999, pages 28 et 29, 52, 56 et 57.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 8-12-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.