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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

René Dufour naît le 17 décembre 1903 à Guignes-Rabutin (Seine-et-Marne), chez ses parents, François Dufour, 26 ans, domestique, et Caroline Léonie Bonnel, 23 ans, domestique, son épouse. Les témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil sont Alexandre Bonnel, 48 ans, manœuvre, et Antoine Bonnel, 28 ans, cantonnier.

Le 12 décembre 1925 à Maisse, sur l’Essonne, 7 km à l’est de Milly-la-Forêt (Seine-et-Oise / Essonne), René Dufour se marie avec Yvonne Bourgeaut, née le 9 février 1909 dans cette localité. Ils auront deux enfants.

Au moment de son arrestation, René Dufour est domicilié depuis plusieurs années avec sa famille au 70, rue de Paris à Épinay-sur-Seine [1] (Seine / Seine-Saint-Denis).

Il est cimentier.

Sous l’Occupation, la police française le désigne comme un « meneur communiste actif ».

Le 6 décembre 1940, René Dufour est appréhendé par des agents du commissariat de la circonscription de Saint-Denis lors d’une vague d’arrestations collective visant 69 hommes dans le département de la Seine, internés administrativement en application du décret du 18 novembre 1939. D’abord rassemblés à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ils sont conduits le jour même au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d‘octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact
après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

À partir du 16 juillet 1941, un nommé Dufour travaille dans la journée chez un agriculteur, à la ferme Roos sur la commune d’Aincourt : est-ce lui ?

Le 5 mai 1942, René Dufour fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 353, il n’y reste que cinq jours.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Dufour est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, René Dufour est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45498 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Dufour.Il meurt à Auschwitz le 9 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; deux mois après l’arrivée de son convoi.

En France, son décès est transcrit le 20 janvier 1950 sur les registres d’état civil de la mairie d’Épinay, avec la mention “Mort pour la France”.

Notes :

[1] Épinay-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 402.
- Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, archives en ligne, registre d’état civil de Guignes pour l’année 1903, acte n° 56 (6E235/17 1899-1906, vue 198/310).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais, : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; cabinet du préfet, notice individuelle (1 W 1001-47850).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cote 1W71, notice individuelle (1W80).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 244 (29419/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.