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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

René, Joseph, RICHARD naît le 24 juillet 1906 à Saint-Didier-d’Allier (Haute-Loire), chez ses parents, Joseph Richard, 35 ans, cultivateur, et Marie Léonie Coubladou, 37 ans, son épouse, native de la commune. Les témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil sont deux autres agriculteurs.

En 1926, René Richard, inscrit au bureau de recrutement d’Alençon (Orne), effectue son service militaire.

Il est célibataire.

Il est soudeur à l’arc. Pendant un temps, il travaille à la “maison” Vigor, rue Anatole-France à Levallois-Perret [1] (Seine / Hauts-de-Seine). Le 13 octobre 1938, il entre aux établissements Monthéry et Gaillardet, 16 rue des Petites-Murailles à Gennevilliers (92).

Adhérent au Parti communiste, il devient trésorier de la cellule 720 bis de la section de Gennevilliers de la région Paris-Nord.

Le 10 septembre 1939, mobilisé, il est incorporé au 271e régiment d’infanterie stationné au Mans (Sarthe). Deux mois plus tard, le 17 novembre, il est classé affecté spécial dans l’entreprise où il travaillait. Au début juin 1940, il suit son usine évacuée en province. Il est réembauché le 3 septembre.

Pendant un temps, il vit chez Germaine B., concierge au 47, rue d’Angoulême à Paris 11e.

À partir du 2 octobre 1940 et jusqu’au moment de son arrestation, il habite une chambre d’hôtel au 61, boulevard circulaire d’Épinay à Gennevilliers (nom originel du boulevard Camélinat, alors débaptisé).

Peut-être s’est-il disputé avec sa compagne, car la police judiciaire l’appréhende le 8 octobre en raison d’une valise « abandonnée » chez elle et contenant : dix tracts communistes, vingt-cinq brochures de tracts de propagande (sic), onze cartes d’adhésion à l’ex-PC portant divers noms, un dossier de la cellule 720 bis, un paquet de journaux L’Humanité et Regards, une carte d’électeur au nom de Raymond Antoine, deux matraques, un revolver à barillet de 6 mm et dix cartouches. Il est néanmoins remis en liberté provisoire.

Dix mois plus tard, un employé de l’entreprise où il travaille de dénonce à la police française :
« Paris 21 juillet 1941
Monsieur le Préfet de Police
Veuillez excuser mon anonymat, mais nous avons dans notre entourage deux personnes qui sont communistes jusqu’au bout des ongles. Ils ne parlent pas beaucoup, mais je souhaiterais que vous entendiez une de leur conversations, vous seriez édifié.
Il s’agit de René Richard, qui travaille avec nous chez Montery [sic], 16 rue des Petites-Murailles à Gennevilliers, et Émile Natioux [ou Matioux], rue Émile-Mareuil [?] à Gennevilliers.
Vous pouvez les faire suivre de près et vous serez convaincu.
Je vous pris de croire, Monsieur le Préfet, à mon profond respect, et, encore une fois, excusez mon anonymat.
Le guetteur »

Début août, les autorités d’occupation opèrent au domicile de René Richard une perquisition qui ne donne aucun résultat.

Le 4 novembre, une nouvelle « visite domiciliaire » par la brigade spéciale anticommuniste des renseignements généraux (RG) de la préfecture de police se révèle également infructueuse. Cependant, les inspecteurs soupçonnent René Richard de mener une activité clandestine « sournoise » par propagande verbale, notamment en direction des jeunes ouvriers. Le 7 novembre, le directeur des RG décide de son envoi en camp.

Le 13 novembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939 ; le même jour, à 6 heures du matin, René Richard est arrêté à son domicile par deux inspecteurs des RG et conduit au dépôt de la préfecture, en attendant son transfert dans un camp.

Le 22 décembre, un télégramme envoyé de L’Aigle parvient au dépôt : « Père gravement malade venir de suite ».

Le 3 janvier 1942, René Richard fait partie d’un groupe de 38 internés politiques (parmi eux, 16 futurs “45000”) et 12 “indésirables” (droit commun) extraits du dépôt et transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé (Vienne). Ils sont conduits en car, sous escorte, jusqu’à la gare d’Austerlitz où les attend un wagon de voyageurs réservé (10 compartiments ; départ 7h55 – arrivée 18h51).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 14 janvier, la préfecture de police reçoit une note du Comité d’action Anti-bolchevique (14, avenue de l’Opéra) : « On nous signale un individu […] dangereux meneur communiste. La jeunesse de la région travaille avec lui. À surveiller. »

Le 22 mai 1942, René Richard fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Richard est enregistré à Auschwitz sous le numéro 46054 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Richard.

Il meurt à Auschwitz le 6 août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp ; moins d’un mois après son arrivée.

Notes :

[1] Levallois-Perret et Gennevilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2]  Ce qui explique sans doute qu’il soit inconnu à la Maison du Combattant et aux Archives de Gennevilliers

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin « Après Auschwitz« , n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 382 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Eugène Kerbaul (auteur de biographies de résistants).
- Daniel Grason, site du Maitron en ligne.
- Archives départementales de Haute-Loire, archives en ligne : registre d’état civil de Saint-Didier-d’Allier, années 1903-1912 (1925 W 706), naissances 1906, acte n° 4 (vue 36/17).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel des Renseignement généraux (77 W 125-108588).
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 157.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1005 (18443/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-05-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.