Jean, Roger, Auguste, Marivet naît le 16 décembre 1904 à Chaumont (Haute-Marne), chez ses parents, Auguste Marivet, 27 ans, ouvrier télégraphiste à la Poste, et Maria Célestine Vivier, 25 ans, son épouse, domiciliés au 26 boulevard Diderot ; tous deux seront décédés au moment de son arrestation.
Roger Marivet poursuit ses études jusqu’au baccalauréat.
À partir de 1927, il habite à Bobigny [1] (Seine / Seine-Saint-Denis) ; au 11, rue Ernest-Renan (?), puis au 9 rue Jean-Baptiste Clément.
Commis stagiaire à la mairie de Bobigny à partir du 1er janvier 1928, il est titularisé le 1er juillet.
Le 5 novembre 1930, dans sa commune, il épouse Marguerite, Désirée, Hollier, née à Pantin le 13 août 1909. Fille d’un menuisier de Bobigny et veuve d’un premier mariage, elle est sténo-dactylo et milite dans les organisations communistes. Ils n’auront pas d’enfant.
Roger Marivet devient commis principal en 1933, puis sous-chef de bureau. Selon les témoignages, il est « l’âme dirigeante » du Parti communiste dans la commune et joue un grand rôle dans les organisations de défense des habitants des lotissements. Responsable pendant longtemps du “sous-rayon”, il est désigné, le 13 juillet 1935, comme délégué sénatorial par le conseil municipal.
À partir du 28 décembre 1935, Roger Marivet tient dans l’hebdomadaire communiste La Voix de l’Est, une rubrique régulière de conseils pratiques où il traite surtout des questions de législation sociale. Dans cette période, il semble qu’il emménage à Maisons-Alfort [1] (Seine / Val-de-Marne), au 20, rue Saint-Georges. Plus tard et jusqu’à son arrestation, il habite au 19, rue Delaporte.
Le 1er janvier 1936, il est nommé commis principal, faisant fonction de secrétaire adjoint à la mairie de Maisons-Alfort, conquise l’année précédente par le Parti communiste sur une liste dirigée par Albert Vassart [2].
Roger Marivet est successivement nommé chef de bureau (1-11-1936), secrétaire de mairie (1-12-1937) et chef des services administratifs (1-01-1938).
En 1937, son inscription sur les listes électorales le déclare domicilié au 20 rue Saint-Georges à Maisons-Alfort.
Il est mobilisé le 5 août 1939 [?].
Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Maisons-Alfort, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.
Le 1er mai 1940, Roger Marivet est suspendu de ses fonctions « pendant la durée des hostilités » par la Délégation spéciale. Cette décision, motivée par son engagement politique, entraîne la suppression de son traitement.
Il est démobilisé fin juillet, un mois après l’armistice.
Le 10 octobre, Roger Marivet est arrêté et interné administrativement. Cependant, il figurait déjà sur la liste établie pour la grande vague d’arrestations du 5 octobre, organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine avaient été conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
S’appuyant sur cet internement, le président de la Délégation spéciale de Maisons-Alfort révoque Roger Marivet le 26 novembre suivant. Après son arrestation, celui-ci déclarera comme adresse familiale le 19, rue de la Porte à Maisons-Alfort.
Le 6 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Roger Marivet, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, n’exprime pas son avis mais constate que cet interné « est resté communiste », ajoutant à sa décharge : « attitude très correcte – secrétaire au secrétariat du centre ».
Le 11 février 1942, Roger Marivet fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupation” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par laWehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Dans un courrier qu’il adresse au préfet de Seine-et-Oise à cette occasion, le commissaire spécial Andrey, directeur du camp d’Aincourt, ajoute « certainsdocuments concernant les internés Langlade, Marivet et François qui, tous trois étaient amis de l’interné Laurent-Darnar et dont l’opinion se trouve en complète évolution, au point d’être en désaccord avec l’action illégale du Parti. J’ai joint les originaux de ces documents aux notices que j’ai remises aux autorités allemandes. » On trouve la transcription d’une déclaration en ce sens datée du 7 février et signée Roger Marivet.
Entre fin avril et fin juin, Roger Marivet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Certains témoins [?] ont rapporté que Roger Marivet serait décédé dans le wagon qui n’avait pas encore quitté Compiègne.
Le 8 juillet, Roger Marivet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45836, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Marivet.Il meurt à Auschwitz le 10 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), indiquant pour cause certainement mensongère de sa mort « phlegmon avec faiblesse corporelle générale » (Phlegmone bei Körperschwäche).
Après la Libération et dans l’ignorance de son sort, la mairie de Maisons-Alfort réintègre Jean Marivet dans ses fonctions le 15 octobre 1944. La sanction est officiellement abrogée le 7 juillet 1947 à la demande de sa famille.
À la requête de sa sœur, par décision du tribunal de P.I. de la Seine (22-07-1949), son décès est enregistré à l’état civil à la date du 10 octobre 1940 ; celle de son arrestation !
Marguerite, son épouse, internée elle aussi, aurait été, selon certains témoignages, fusillée à Berlin (le 15 août 1943 ?) ; aucune trace d’elle dans le Livre Mémorial de la FMD, même sous son nom de jeune fille.
Notes :
[1] Bobigny : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Albert Vassart (1898-1958), militant chevronné du Parti communiste et de la CGTU à partir de 1923, est “parachuté” avec succès à Maisons-Alfort, dont il devient le premier maire communiste. À la suite de la signature du pacte germano-soviétique, il prend ses distances avec le PC (novembre 1940). Il est néanmoins arrêté et condamné à cinq ans de prison en tant que communiste. Mais il est libéré en septembre 1941 à la suite de démarches de Marcel Gitton et Henri Barbé (dirigeant du PC exclu en 1932). Albert Vassart adhère au Parti ouvrier et paysan français (POPF) – collaborationniste – de Gitton et y accepte des responsabilités aux côtés d’une vingtaine d’autres anciens parlementaires et élus communistes. Il fait ensuite équipe avec Barbé et Capron pour obtenir la libération de militants communistes emprisonnés bien qu’en rupture avec leur parti. Le 27 juin 1942, Albert Vassart échappe à une tentative d’élimination devant son domicile.
Sources :
V Archives municipales de Maisons-Alfort, recherches de Madame Loubrieu (2006).
V J. Girault, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom, version 3.61 (citant : Arch. Com. Bobigny et Maisons-Alfort – La Voix de l’Est).
V Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 412.
V Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w80, 1w138 (dossier individuel) ; recherches parallèles de Claude Delesque.
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 780 (23093/1942).
V Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 23093/1942.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 8-05-2020)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.