Serge, Raoul, Veau naît le 1er juillet 1904 à Saint-Loup-de-Naud (Seine-et-Marne – 77), fils de Siméon Veau, 25 ans, cantonnier, et d’Élise Fontarive, 19 ans. Lors du recensement de 1906, le foyer héberge un nourrisson, Suzanne Gouaille, née en 1905 à Paris.De la classe 1924, Serge Veau effectue son service militaire au 313e R.A. à Mayenne (Mayenne).
Serge Veau est mineur en argile. Pendant un temps, il travaille sur les chantiers des Établissements Pagot, au 8, rue de Rebais à Provins.
De 1937 à 1939, Serge Veau est un militant connu du Parti communiste. Aux côtés de Lucien Langlois, secrétaire, il est trésorier du comité de section du secteur de Ponthierry-Saint-Fargeau. Les réunions se tiennent à Ormes-sur-Voulzie, au domicile de Roger Benenson, député communiste de la circonscription de Provins (mai 1936) et conseiller général du canton (octobre 1937), fondateur du journal L’Information de Seine-et-Marne.
À une date restant à préciser, Serge Veau est élu conseiller municipal de Saint-Loup-de-Naud (77).
Le 19 février 1938 à Saint-Loup, il se marie avec Émilienne Derson, divorcée qui a trois garçons de son premier mariage, âgé respectivement âgés de 16, 13 et 6 ans en novembre 1941, les deux premiers étant restés avec son ex-mari.
Dès lors et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 17, rue de Changis à Provins (77) ; pendant un temps, Serge Veau habiterait au 17, rue Courloison.
Il est mobilisé entre septembre 1939 et juillet 1940.
À partir du 13 janvier 1941, Serge Veau est employé comme ouvrier-glaisier par la Société d’Exploitation des argiles réfractaires de Provins à la carrière de Chalautre-la-Petite.
En février, le Tribunal correctionnel de Provins le condamne à un mois d’emprisonnement pour « vol et outrages à gendarmes » (?).
Le dimanche 19 octobre 1941, Serge Veau est appréhendé à son domicile dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département..
Serge Veau est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”), où il est immatriculé sous le matricule n° 1724.
Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour une exécution de représailles, parmi lesquels Serge Veau.
Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Serge Veau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46182, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Serge Veau.
Il meurt à Auschwitz à une date inconnue [1] ; probablement avant la mi-mars 1943.
Après la guerre, à une date restant à préciser, le Conseil municipal de Saint-Loup-de-Naud donne le nom de Serge Veau à une rue du village. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-07-2001).
Notes :
[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil de France : Dans lesannées qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Serge Veau, c’est le 25 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 127 et 128, 378 et 422.
Archives départementales de Seine-et-Marne, archives en ligne, état civil de Saint-Loup-de-Naud, registre l’année 1904, acte n°13 (66E439/10 1896-1907, vue 165/225) ; recensement de population du canton de Provins 1906 (10M428), vue 247/263.
Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, arrestations allemandes, secteur de Provins, dossier individuel (SC51231) ; notes (SC51241).
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste d’otages, document allemand, cote XLIV-60.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-01-2014)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.