Simone Sampaix avant guerre. Collection Frédéric Blanc, droits réservés.

Simone Sampaix avant guerre.
Collection Frédéric Blanc, droits réservés.

Simone, Lucienne, Sampaix, naît le 14 juin 1924 à Sedan (Ardennes), fille de Lucien Sampaix, 25 ans, ajusteur mécanicien, et d’Yvonne Colas, son épouse, 21 ans,ouvrière de filature. Simone aura deux frères plus jeunes : Jacques, né en 1928, et Pierre, né en 1930, tous les deux dans les Ardennes.

Démobilisé en 1921, Lucien Sampaix est métallo aux Aciéries de Longwy (Meurthe-et-Moselle). Il a commencé très tôt à militer, adhérant d’abord au syndicat Confédération générale du travail unitaire (CGTU) de la métallurgie, puis, en 1923, au Parti communiste. Il est rapidement devenu secrétaire à la fois du syndicat local des Métaux et du rayon du PC de Sedan. Dès lors, il a participé à toutes les luttes, comme celles de la Ruhr en 1923 ou de la guerre du Rif en 1925, animant des réunions ou organisant des grèves dans le Sedanais et à Raucourt (Meurthe-et-Moselle). Il est également membre de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) et du Secours rouge international (SRI).

Le 5 avril 1924, à Sedan, Lucien Albert Sampaix, domicilié au 12 rue Cumin Gridaine, a épousé Yvonne Colas. Le 22 avril suivant, le “réserviste” a déclaré habiter au 3 rue de Ménil à Sedan.

En 1927, les articles économiques, sociaux et politiques sur la situation à Sedan que Lucien Sampaix publie dans L’Exploité, organe de la région de l’Est du Parti communiste, lui valent d’être licencié non seulement des Aciéries de Longwy en 1926, mais aussi par d’autres employeurs des Ardennes.

En 1929, Lucien Sampaix est désigné secrétaire général de la région Nord-Est (Aisne, Ardennes, Marne) du Parti communiste. Débutant alors une vie de “permanent”, il s’installera à Reims (Marne), au 8 rue Coquebert.

Il incite aux mouvements revendicatifs et conduit des grèves dans différentes industries de la région (textile, métallurgie…). Le 10 avril 1930, il distribue des tracts antimilitaristes avec Louis Pichon, selon la police. Devenu directeur de L’Exploité, Lucien Sampaix y publie de nombreux articles appelant à la fraternité entre soldats et ouvriers. Le 24 février 1931, un tribunal le condamne à six mois de prison pour ce motif. Il récidive dans des articles publiés les 15 et 19 août 1931. Le 9 septembre suivant, le tribunal correctionnel de la Marne le condamne à deux fois dix mois de prison, et Raoul Blanche, gérant du journal, à deux fois quatre mois pour « provocation de militaires à la désobéissance dans un but de propagande anarchiste ». Entré en clandestinité, Lucien Sampaix est arrêté à Charleville (Ardennes) en novembre 1931 et incarcéré successivement dans les maisons d’arrêt de Reims et de la Santé (Paris 14e), puis à la maison centrale de Clairvaux (Aube), obtenant le statut de détenu politique. Après neuf mois de détention, il est libéré à la faveur d’une amnistie présidentielle.

En 1932, Lucien Sampaix est appelé à la rédaction du quotidien communiste L’Humanité, dirigé par Marcel Cachin, pour s’occuper de la rubrique « informations politiques ». La famille s’installe à Paris ; d’abord au 4, rue Saussure (17e).

Le 7 mai 1933, ils emménagent au 25, rue Émile-Desvaux (19e), dans un tronçon de rue formant impasse. Simone y fait la connaissance d’André Biver, dit « Dédé », jeune voisin domicilié au n° 24, né le 31 juillet 1921 à Paris 10e, et avec lequel elle se fiancera.

Simone partage très tôt l’engagement de ses parents, en particulier de son père, auquel elle voue une profonde admiration.

En juillet 1936, Lucien Sampaix devient secrétaire général de L’Humanité.

Le 28 juillet 1939, à la suite d’un article publié le 18 juillet et dans lequel il mettait en cause diverses personnalités désignées par leurs initiales, Lucien Sampaix est cité à comparaître devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine pour « inculpation de divulgation de renseignements relatifs à une affaire en cours d’instruction », la presse évoquant une « divulgation de renseignements relatifs aux enquêtes et informations » concernant les affaires de trahison et d’espionnage. La cour acquitte le rédacteur et son journal.

En tout, Lucien Sampaix aura subi quatorze condamnation ; la dernière, datée du 30 janvier 1939, à huit jours de prison avec sursis pour « complicité de diffamation ».

Après l’entrée en guerre, il est mobilisé comme “affecté spécial” dans une usine de Levallois (Seine / Hauts-de-Seine), mais le directeur refuse de le prendre malgré son ordre de mobilisation. L’ex-journaliste participe alors à la parution de L’Humanité clandestine. Appréhendé le 19 décembre, il est considéré comme mobilisé le 27 janvier et affecté à la première Compagnie Spéciale de Travailleurs Militaires Indésirables (disciplinaire) de la ferme Saint-Benoît, près de Rambouillet (Seine-et-Oise / Yvelines), avant de faire l’objet d’une mesure d’internement administratif.

Dès juin 1940, une dizaine de jours après l’entrée des troupes allemandes dans la capitale, évacuée par les trois quarts de ses habitants, cinq ex-membres de l’ancien cercle des jeunes communistes du 19e, surnommé les « Mouflets », se retrouvent à la porte du Pré-Saint-Gervais, sur le terrain vague des anciennes fortifications, au pied des HBM du boulevard d’Algérie. Ils décident de tracer des inscriptions sur les murs, de coller des papillons confectionnés avec des étiquettes d’écolier, « au moins pour dire que nous étions toujours là et que nous n’abandonnions pas le combat » (René Roy). « Dédé » Biver, alors coupeur en chaussures, est de ce premier petit groupe avec, entre autres, Georges Tondelier dit « Tondu », des HBM de l’avenue Mathurin-Moreau (quartier Combat), lequel apportera un mois plus tard au groupe la liaison avec l’organisation clandestine. Simone Sampaix et Robert Lambotte font partie de ceux qui les rejoignent.

Le 24 septembre suivant, André Biver est appréhendé alors qu’il transporte un paquet de 170 tracts communistes. Sa mère, Adèle née Faibichoff, racontera les choses ainsi : « … mon fils, mon mari [Maurice Dussault, alors son compagnon] et moi nous sommes arrêtés par l’inspecteur divisionnaire Rochet du 19e arrondissement après que celui-ci eut trouvé dans mon sac un exemplaire du tract Appel au peuple de France [« Vive l’union de la nation française »]. Je venais d’en distribuer au marché de la place des Fêtes. Quant à mon Dédé, son vélo était dans la cour avec une musette pleine d’Huma ». L’affaire est suivie par la BS1. Mère et fils sont inculpés d’infraction à l’ordonnance allemande du 20 juin 1940 et écroués à la Maison d’arrêt de la Santé à la disposition des autorités militaires d’occupation. André y entre en même temps que Maurice Feferman, avec qui il discute un peu lors de la promenade. Finalement, le 8 février 1941, la 15e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamnera André à huit mois d’emprisonnement et Adèle à trois mois pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Ayant purgé sa peine en détention préventive, elle sera relaxée le lendemain. Le 26 mars 1941, son fils André sera interné au centre de séjour surveillé d’Aincourt (Seine-et-Oise / Yvelines). Il s’en évadera dans la nuit du 28 au 29 avril.

Le 25 décembre 1940, Lucien Sampaix parvient à s’échapper du centre de séjour surveillé d’Oraison (Basses-Alpes / Alpes-de-Haute-Provence). Revenu à Paris muni de faux papiers, il se planque chez Lucien Coone, avant-guerre mécanicien à l’imprimerie de L’Humanité, demeurant au 32, rue de l’Espérance (Paris 13e). Ils organisent un centre de diffusion de matériel de propagande communiste clandestine.

Le samedi 29 mars 1941, vers 16 heures, en face du 48, quai de Valmy, Coone est arrêté en compagnie de Raphaël Courtat, autre militant communiste, alors qu’ils transportent dans une voiture à bras douze gros paquets contenant 3000 exemplaires de la brochure Les Cahiers du Bolchévisme datée du premier trimestre 1941. Un troisième homme parvient à s’enfuir. Un autre militant est arrêté au domicile de Courtat alors qu’il y apporte un paquet de tracts à distribuer. Philippe Pierre Rebière, mis en cause, échappe à l’arrestation.

La perquisition effectuée immédiatement au domicile de Coone amène la découverte et l’arrestation de Lucien Sampaix. Inculpé d’infraction au décret-loi du 18 décembre 1939 (évasion) et au décret du 26 septembre 1939 (propagande communiste), celui-ci est déféré au Parquet.

Après son évasion, André Biver est revenu à Paris, sous le faux état civil de « Roland Fey », et se planque dans une chambre du 8e étage au 7, rue Raffaéli, à Paris 16e, où Simone lui rend visite. Il renoue avec Georges Grunenberger, ancien condisciple de l’école Michelet de Saint-Ouen qu’il avait brièvement retrouvé sur un palier de la Maison d’arrêt de la Santé alors qu’ils y étaient écroués au même moment. Ces rencontres permettent également à Georges Grunenberger de payer plusieurs fois le restaurant à André, le samedi, jour de paye, dans le quartier de l’Hôtel de Ville où il travaille.

Simone Sampaix devient agent de liaison : elle transporte des journaux, des tracts, des messages, en lien avec André Biver et Isidore Grinberg (pseudonyme « Robert »). Le jour arrive où les paquets transportés sont des armes. Ainsi, Simone participe, entre autres, au « coup de feu de Barbès » le 21 août 1941 organisé par « Frédo » (le colonel Fabien).

Le soir de cet action, André Biver, Isidore Grinberg, Georges Grunenberger et Maroussia Naïtchenko (18 ans) évitent les contrôles en passant la nuit chez Yvonne et Simone Sampaix (les deux jeunes fils Sampaix sont en sécurité à la campagne).

Le 27 aout, la Section spéciale auprès de la Cour d’appel de Paris, instaurée par une loi du gouvernement de Philippe Pétain pour satisfaire les demandes de représailles d’Adolf Hitler – tribunal d’exception violant plusieurs règles de droit (rétroactivité, pas d’énonciation des motifs, aucun recours ni pourvoi) – juge onze prévenus et condamne à la peine de mort trois communistes, Émile Bastard, André Bréchet et Abraham Trzebrucki, désigné comme Juif, décapités le 28 août dans la cour de la prison de la Santé. Lucien Sampaix, qui a assuré sa propre défense, sauve sa tête mais est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Il est conduit à la maison centrale de Beaulieu, à Caen (Calvados).

Au second semestre 1941, lorsque les « Bataillons de la jeunesse » sont créés en région parisienne, plusieurs « mouflets » du 19e s’y engagent volontairement, intégrant les premiers groupes armés de l’O.S. qui s’attaquent directement aux troupes d’occupation dans Paris.

Le 15 décembre, à la caserne du 43e régiment d’artillerie, à Caen, Lucien Sampaix est fusillé par les Allemands avec douze autres otages en représailles d’actions armées de la résistance communiste. En tout, cent otages – essentiellement des communistes et des Juifs – sont exécutés le même jour : soixante-neuf autres au Mont-Valérien (Gabriel Péri…), neuf à La Blisière près de Châteaubriant, quatre à Fontevraud.

Georges Grunenberger, qui a travaillé à L’Huma, et Maroussia Naïtchenko, informés par l’épouse d’un gardien de la prison de Caen, viennent informer Yvonne Sampaix de la mort de son mari. Rapidement, une immense émotion envahit le quartier populaire du 19e. Simone participe à la dénonciation de ce crime contre son père, des tracts sont tirés dans la nuit, puis distribués dans les boîtes aux lettres et collés sur les murs. Le 25 décembre, sur le seuil de l’immeuble du 24, rue Émile-Devaux (petite erreur d’adresse…) est trouvée une gerbe de fleurs enveloppée de papier blanc et sur laquelle est épinglé un morceau d’étoffe rouge avec une inscription en lettres blanches : « À Lucien Sampaix, fusillé par les barbares hitlériens ». La gerbe est enlevée par la police municipale.

Puis, avec Isidore Grinberg, André Biver est hébergé par le couple Grunenberger-Naïtchenko, domiciliés dans un studio-cuisine au 15, rue de la Goutte d’Or à Paris 18e (dans les années 1980-1990, l’immeuble a été remplacé, sans porter de plaque commémorative… ; sous l’immeuble est un passage en escalier, dénommé rue Boris Vian). Georges Grunenberger – mis à l’index du parti communiste clandestin en raison d’un rapport très indirect avec la tentative de reparution légale de L’Humanité – et Maroussia ont décidé de poursuivre leur participation à la lutte en hébergeant leurs jeunes amis combattants. « Nous posions notre matelas par terre où s’allongeaient les deux garçons, Georges et moi dormions sur le sommier. Une fois le matelas au sol, il n’y avait plus la place de passer ; il fallait enjamber les dormeurs couchés sur le carrelage ».

Le soir du 7 janvier 1942, André Biver et Isidore Grinberg s’attardent en repérage dans la perspective d’un sabotage devant un garage allemand au 120, boulevard Magenta, où  trois gardiens de la paix du 10e arrondissement ont été affecté en surveillance. Grinberg est interpellés par l’un deux. Après lui avoir demandé ses papiers, l’agent commence à palper ses vêtements. Le jeune homme sort alors son revolver et blesse le policier d’une première balle. Comme celui-ci appelle au secours, Grinberg tire encore à deux reprises : le sous-brigadier Louis Lécureuil est le premier policier français tué par un résistant, événement qui va avoir un retentissement considérable. Isidore Grinberg et André Biver parviennent à s’échapper, chacun de son côté, puis rentrent l‘un après l’autre rue de la Goutte-d’Or. Mais la traque est lancée. Plus tard, les deux jeunes gens déménageront pour une nouvelle planque.

Le 8 mai, Georges Tondelier est arrêté avec Karl Schoenharr alors qu’ils tentent de déposer une bombe dans l’exposition Le bolchévisme contre l’Europe. Interrogé dans les locaux de la brigade spéciale n°2 (“antiterroriste”) des Renseignements généraux (BS2), Georges Tondelier lâche rapidement ce qu’il sait concernant plusieurs de ses camarades. Entre autres, il désigne Maurice Feferman (Mordka, dit « Louis ») comme ayant tiré sur le capitaine médecin militaire allemand Joseph Kerscher le 2 décembre 1941 (en fait légèrement blessé), secondé par Maurice Feld (dit « Jacques »). Ces indications permettent aux policiers d’établir une filature autour de Sylvia Brodfeld. « Conformément à une note émanant de la GFP, en date du 25 avril 1942, signalant qu’une nommée Sylvia demeurant 2, rue Oberkampf était l’amie d’un nommé Feld Maurice. »« Après plusieurs jours de surveillance, mademoiselle Brodfeld nous a amené à rencontrer son ami Feld, celui-ci, pris immédiatement en filature, nous a permis de constater qu’il était effectivement en relation avec Feferman. Aujourd’hui [9 mai 1942], Feld et son amie, après avoir passé ensemble plusieurs heures au jardin des Tuileries, ont rencontré à hauteur du ministère des Finances, un individu nommé Grunenberger ou « Roux » qui a été immédiatement pris en filature par l’un de nous. » « Je me suis détaché et j’ai filé à mon tour cet individu qui m’a conduit successivement au domicile de Mlle Brodfeld où celle-ci l’a quitté après s’être serré la main. Continuant son chemin, cet homme a pris le métro à la station République et est descendu, après divers changements de direction, au métro Barbès-Rochechouart. Il a ensuite emprunté le boulevard Barbès vers le square d’Anvers. Il a pris à sa droite la rue de la Goutte-d’Or, où il a rencontré à 19 heures 05 un autre jeune homme, à hauteur du numéro 49 [André Biver] […] Les deux hommes continuant la rue de la Goutte-d’Or, ont été rejoints par deux femmes [Simone Eiffes et Anna Naitchenko, mère de Maroussia] et un autre jeune homme [Isidore Grinberg]. »

Le même jour, à 18 h 30, Maurice Feld et Maurice Feferman se sont retrouvés à l’angle des rue Condorcet et des Martyrs. Devant leur méfiance apparente et craignant sans doute de perdre le contact, les inspecteurs qui les surveillent décident de les appréhender. Après une bousculade, une tentative de fuite et un échange de coups de feu, ce sont des passants qui immobilisent les jeunes gens. Grièvement blessé, dans l’incapacité de s’enfuir, Feferman se suicide en avalant une pilule de cyanure et en se tirant une balle dans la tête ; il succombera à l’Hôtel-Dieu où un car de police-secours l’a transporté. Blessé plus légèrement, interrogé dans les locaux de la brigade spéciale antiterroriste, Feld donne son rendez-vous suivant avec Isidore Grinberg (« Maurice »), fixé vers 21 h 30, à la station de métro Porte de la Chapelle. Celui-ci est capturé après une farouche résistance et une tentative de fuite [2]. La BS2 rompt alors la filature. Des inspecteurs investissent le petit logement de la rue de la Goutte-d’Or. Maroussia Naïtchenko en est absente : souffrant d’un début de pleurésie, elle est alors partie se « retaper » à la campagne. Les policiers y tendent une souricière. Apercevant de la lumière derrière les volets alors qu’il rentre chez lui, Georges Grunenberger est alerté par un signe de sa concierge. Il parvient à s’enfuir, puis à rejoindre Maroussia à la gare du Mans. [1]

Le 10 mai, Simone Sampaix a rendez-vous avec « Dédé » (André Biver) et « Robert » (Isidore Grinberg) dans le cimetière du Père Lachaise, Mais aucun des deux compagnons ne s’y présente ce jour-là, ni lors des “repêchages” les jours suivants.

Le 11 mai, vers 21 heures, André Biver est arrêté en se rendant au domicile des Grunenberger. La perquisition effectuée dans sa propre planque, rue Raffaéli, amène, entre autres, la découverte d’une boîte de médicaments contenant deux cartouches de revolver calibre 7,65, de six cartouche de fusil de chasse et de vingt-six sachets en mica (?) contenant de la poudre noire, ainsi que d’un tract intitulé « Les ouvriers français ne se laisseront pas déporter en Allemagne ».

Le 14 mai, Simone Eiffes, amie de Georges Grunenberger depuis que Georges Feldman le lui a présenté à Cognac pendant l’Exode de juin 1940, non engagée politiquement, est appréhendée au 15 rue de la Goutte-d’Or en apportant un gâteau au couple. Elle est ramenée dans les bureaux de la brigade spéciale à la préfecture de police pour y être interrogée (elle sera déportée dans le convoi des “31000”).

Le lendemain, dimanche 15 mai, privée de contact et sans nouvelles d’André Biver, Simone Sampaix va en chercher chez les Grunenberger, au 15 rue de la Goutte d’Or, et tombe elle aussi dans le piège policier.

Le 17 mai, à la suite de son interrogatoire dans les locaux de la BS2 – au cours duquel, bien que menacée des pires sévices, elle ne livre aucune information pouvant nuire à d’autres – Simone Sampaix est conduite au dépôt de la préfecture de police, où elle est consignée provisoirement par les RG à la disposition des autorités allemandes.

Paris. La préfecture de police vue depuis Notre-Dame. Carte postale des années 1900 (le bâtiment est alors la caserne de la Garde républicaine). Coll. Mémoire Vive.

Paris. La préfecture de police vue depuis Notre-Dame.
Carte postale des années 1900 (le bâtiment est alors la caserne de la Garde républicaine). Coll. Mémoire Vive.

Son état de santé est suivi par l’interne de service de l’infirmerie spéciale de la préfecture. Selon les services du préfet délégué du ministre de l’Intérieur dans les territoires occupés, « l’internement de cette femme, atteinte de tuberculose, provoque en effet une émotion considérable dans certains milieux habilement travaillés par les militants ». Le 17 juillet, elle est conduite en voiture cellulaire à l’infirmerie de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 28 septembre, elle est ramenée au Dépôt.

Le 15 juin, le tribunal d’État condamne à la peine de mort Isidore Grinberg, qui est guillotiné le 8 août dans la cour de la prison de la Santé, où il rejoint l’échafaud en chantant La Marseillaise.

Le 10 octobre 1942, le tribunal militaire allemand de Paris condamne André Biver à la peine de mort. Il est fusillé – seul – le 19 octobre à 16 heures 19, au stand de tir du ministère de l’Air, dit « de Balard », entre Paris 15e et Issy-les-Moulineaux). Il a 21 ans.

Le 27 octobre, Simone Sampaix est transférée, avec huit autres femmes dont Simone Eiffes, au camp allemand du fort de Romainville, premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, situé sur la commune des Lilas (Seine /  Seine-Saint-Denis). Elle y est enregistrée sous le matricule n° 1097.

Droits réservés.

Droits réservés.

Le bâtiment A, vue vers l’intérieur du fort, du côté des cours de promenade clôturées. Photo Mémoire Vive.

Le bâtiment A, vue vers l’intérieur du fort, du côté des cours de promenade clôturées.
Photo Mémoire Vive.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne, dans l’Oise ; leurs fiches individuelles du fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » (transférée à Compiègne le 22.1). Le lendemain, Simone Sampaix fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne, sur la commune de Margny, et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

TransportAquarelle

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir.

Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Simone Sampaix y est enregistrée sous le matricule 31758. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elle et ses compagnes sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos (mais pas de corvées).

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police judiciaire allemande : vues de trois-quart avec un couvre-chef (un fichu), de face et de profil.

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia de Birkenau ; perspective entre les châlits. La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues. Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir. Photo © Mémoire Vive.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia de Birkenau ; perspective entre les châlits.
La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir.
Photo © Mémoire Vive.

Simone Sampaix est affectée au Kommando de construction de la voie ferrée, puis à celui de « bûcheronnage ». Souvent malade, au seuil de la mort, elle réussit à survivre grâce à une incroyable volonté et à l’indéfectible solidarité de ses camarades, caractéristique singulière de ce groupe de résistantes.

Le 4 août 1944, Simone et 51 survivantes du groupe des 230 femmes sont transférées au KL Ravensbrück.

Enfin, le 23 avril 1945, elle est évacuée de Ravensbrück par la Croix Rouge suédoise jusqu’à Malmöe : elle pèse alors 23 kilos !

Le 29 avril, sa mère, Yvonne Sampaix est élue conseillère municipale dans le 6e secteur (12e, 19e et 20e arrondissement) sous l’étiquette Union républicaine patriotique et antifasciste.

Le 10 juin, Simone est rapatriée en France.

Le 14 septembre 1946, à la mairie du 19e arrondissement, elle se marie avec Robert Lambotte, son ancien camarade des « mouflets » du 19e, lui aussi rescapé d’Auschwitz (convoi des “45000”) et devenu grand reporter au journal L’Humanité. Mais ils se sépareront quelques années plus tard (mariage dissous le 16 mai 1957).

En 1964, Simone s’installe à Lurcy-Lévis (Allier), où elle fonde une famille avec Maurice Blanc, né le 31 décembre 1922, maçon, ancien résistant, agent de liaison auprès des maquisards stationnés en forêt de Civrais.

Marqué par les séquelles de la déportation, la santé de Simone reste précaire, mais elle continue à lutter farouchement et aucune des épreuves endurées ne lui font perdre espoir ou masquer son sourire généreux.

Simone avec Marie-Jo Chombard de Lauwe et Betty Jégouzo au collège Charlotte Delbo. Droits réservés.

Simone avec Marie-Jo Chombard de Lauwe et Betty Jégouzo au collège Charlotte Delbo.
Droits réservés.

Droits réservés.

Droits réservés.

Simone Blanc-Sampaix décède le 28 août 1998. Elle repose au cimetière de Lurcy-Lévis aux côtés de Maurice, parti quelques semaines après elle, le 3 décembre 1998. Sur leur tombe sont inscrites deux épitaphes : « Ceux qui vivent sont ceux qui luttent ! » (Victor Hugo), et « Liberté, j’écris ton nom… » (Paul Éluard)

Le 8 mai 2005, à l’occasion du 60e anniversaire de la Victoire sur le nazisme, le nom de Simone Sampaix est donné à une longue allée arborée de Lurcy-Lévis.
À Paris 19e, à côté de la plaque de la rue Émile-Desvaux (n° 2) et du lampadaire mural, vers l’angle avec la rue de Romainville, une plaque commémorative… : « Dans ce hameau habitaient Lucien Sampaix 1880-1941, Georges Vallet 1912-1943 [responsable FTP fusillé le 9 juillet], André Biver 1921-1942, fusillés par les boches ».

 

Notes :

[1] Georges Grunenberger et Maroussia Naïtchenko partent se cacher quelque temps à Cognac puis reviennent à Paris, hébergés par des amis. Ils doivent se séparer. Maroussia, malade, retourne à la Ferté-Bernard, où il se confirme qu’elle est enceinte. Georges est arrêté le 7 juin 1942 à Saint-André-de-Cubzac ou à Souby en tentant de passer la ligne de démarcation pour se réfugier chez des amis à Bergerac en Dordogne. Maroussia, atteinte d’une pleurésie d’origine tuberculeuse, est admise, quasi mourante, à l’hôpital la Ferté-Bernard grâce à l’intervention de sa mère qui est venue la rejoindre. Rétablie, elle revient dans la capitale pour accoucher. Georges est également ramené à Paris pour être interrogé par les Brigades spéciales. Mais, comme rien ne permet d’établir sa participation à la résistance armée, il est interné administrativement, puis livré à l’occupant qui le transfère au camp allemand de Royallieu à Compiègne. C’est de là qu’il adresse une demande en mariage à la mère de Maroussia, celle-ci étant mineure. Célébrée par le maire de Compiègne, la cérémonie a lieu dans le camp le 5 décembre 1942, dans un baraquement en bois. Maroussia et sa mère en profitent pour sortir clandestinement des messages de détenus. Le 30 janvier 1943, Maroussia Grunenberger accouche d’un garçon, Guy, Robert, Georges, à l’hôpital Tenon. Georges Grunenberger vient d’être déporté au KL Sachsenhausen dans le convoi du 24 janvier. Il survivra à 28 mois de camp. Le drame de Georges Grunenberger est que sa mère, Valentine Roux, était la compagne de Maurice Tréand qui – sous l’autorité de Jacques Duclos – négocia avec l’occupant la reparution de L’Humanité, voire d’un autre quotidien communiste, pendant deux mois de l’été 1940. Bientôt combattue à la tête du Parti clandestin, cette ligne fut abandonnée, et ses acteurs définitivement mis à l’index du PCF sans qu’aucune explication ne soit jamais publiquement donnée : il fallait que cet épisode tombe dans l’oubli. Georges Grunenberger mourut en 1981 sans connaître le véritable motif de cette disgrâce, commencée dans la clandestinité. Maroussia subit la même situation, mais a fini par connaître le fin mot de l’histoire.

Sources :

- Témoignage et archives personnelles de Frédéric Blanc, fils de Simone Sampaix.
- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 262.
- Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Le sang des communistes, Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée, Automne 1941, Nouvelles études contemporaines, éditions Fayard, février 2004, p. 230-231, 252 et 371.
- Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, L’affaire Guy Môquet…, Larousse, octobre 2009, pages 45-48, 97-99.
- Maroussia Naïtchenko, Une jeune fille en guerre, la lutte antifasciste d’une génération, collection Témoignages, éditions Imago, Paris 2003, pages 162, 201, 242-244, 257, 265-267, 306-309.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossiers de la BS1 des RG, Affaire Biver (GB 51-136 ?) ; dossiers de la BS2 des RG, Affaire Brodfed-Feferman-Feld (GB 101) ; dossiers individuels du cabinet du préfet, famille Sampaix (1 W 0285-66236), Biver André (1 w 0043 – 28573.
- ANACR 19e : Résistance dans le 19e arrondissement de Paris, Le temps des Cerises, 2005.
- ANACR 19e, site internet : www.des-gens.net/Les-mouflets-de-juin-40-du.

MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 20-01-2025)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).