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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Suzanne Buffard naît le 15 mai 1912 à Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-Moselle) dans une famille ouvrière de neuf enfants.

Elle va à l’école jusqu’au certificat d’études, puis travaille dans une usine de tissage.

Peu avant la guerre, Suzanne Buffard se marie avec un forgeron nommé Pierre (nom de famille).

En 1940, son mari est fait prisonnier. Il sera envoyé dans le camp disciplinaire de Rawa-Ruska en Ukraine.

Arrêtée pour des actions patriotiques

Suzanne Pierre n’appartient pas à un réseau de Résistance. Elle est en relation avec un groupe de jeunes qui étaient à la Jeunesse communiste et qui sont sans encadrement. Ces jeunes entreprennent des actions patriotiques de leur propre fait.

Suzanne Pierre fait sauter une écluse seule, abat un poteau télégraphique, toujours seule.

Le 14 juillet 1942, elle lance à la volée, dans les rues de Dombasle, des papillons tricolores de sa propre confection.

Le 11 novembre 1942, le groupe de jeunes, avec Suzanne Pierre, veut marquer l’anniversaire de l’Armistice. Ces jeunes achètent du papier de couleur et élaborent une guirlande tricolore qu’ils accrochent au monument aux morts.

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Dombasle-sur-Meurthe. Le monument aux morts de 1914-1918.
Carte postale envoyée en 1935. Collection Mémoire Vive.

Les policiers n’ont qu’à faire le tour des commerçants pour établir l’origine des achats. Dans une petite ville de 10 000 habitants, pour la police, il est facile d’identifier les auteurs de cette action patriotique.

Quelques jours plus tard, Suzanne Pierre est arrêtée. Elle est conduite à la prison Charles-III de Nancy, au secret pendant une semaine.

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Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915.
Collection Mémoire Vive.

Le 21 novembre, elle est transférée au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [1] (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Elle y est enregistrée sous le matricule n° 1248.

Onze jeunes fusillés

Les jeunes gens – neufs Français et deux Polonais habitant Varangeville – sont fusillés à la Malpierre, [2] à la fin de 1942.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages du Fort de Romainville sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, Suzanne Pierre fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Dans un courrier adressé au sous-préfet de Compiègne, le commissaire de police de la ville indique : « …dans le courant de l’après-midi, trois camions allemands ont amené au camp de Royallieu une centaine de femmes dont on ignore la provenance. Selon des indications recueillies auprès de personnes habitant aux abords du camp, ces femmes auraient entonné La Marseillaise et L’Internationale ». Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne – sur la commune de Margny – et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [3] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Auschwitz

Le lendemain matin, après avoir été brutalement descendues et alignées par cinq sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Suzanne Pierre y est enregistrée sous le matricule 31812. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie policière allemande : vues de trois-quart, de face et de profil (sa photo d’immatriculation a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Suzanne Pierre rentre au revier en juillet. Elle ne peut suivre les survivantes en quarantaine. Sans doute est-elle trop faible pour écrire lorsque la permission lui a était faite au début juillet.

Elle meurt au début d’août 1943.

Sa famille n’a reçu qu’une seule lettre envoyée de Romainville. Elle a appris sa mort des rescapées du convoi à la sortie de la guerre.

À une date restant à préciser, le conseil municipal de Dombasle-sur-Meurthe donne son nom à une place de la ville.

Notes :

.[1] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] La Malpierre, endroit appelé aussi Les Fonds de Toul : carrière utilisée comme champ de tir par le 65e régiment d’infanterie et située en forêt de Haye sur le territoire de Champigneulles (à côté de Nancy). Plusieurs dizaines de personnes y furent fusillées.

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.

 

Sources :

- Charlotte Delbo Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 231-232.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais : répression des menées antinationales, gaullistes et terroristes (33W 8253/1).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-11-2021)

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