(il y a peut-être deux Gaston Aubert : à vérifier…)
- Droits réservés.
Victor, Gaston, Aubert naît le 11 juin 1897 à Montrouge [1] (Seine / Hauts-de-Seine), chez ses parents, Désiré, Alexandre Aubert, 50 ans, tonnelier, qui avait participé à la Commune de Paris et qui – proscrit – vécut en Suisse jusqu’à l’amnistie, et Maria (Élisa) Bouvet, son épouse, 32 ans, laveuse, domiciliés au 26, rue Rolland. Par la suite, la famille habite au 52, rue Périer, toujours dans cette commune.
Gaston Aubert commence à travailler en août 1910. Il est ouvrier ébéniste.
Le 11 janvier 1916, il est incorporé au 28e bataillon du Génie. Le 7 décembre suivant, il passe au 4e régiment du Génie. Le 18 juin 1918, il passe au 21e régiment du Génie, puis, le 1er octobre 1919 au 1er Génie.
Le 18 septembre 1920, à la mairie du 15 arrondissement, il épouse Antoinette Laétitia Richardeau, 25 ans, née le 20 juin 1894 à Fontaine-en-Beauce (Loir-et-Cher), manœuvre spécialisée. Ils n’auront pas d’enfant.
À partir de janvier 1924 et jusqu’à son arrestation, il est domicilié au 23, rue Sadi-Carnot à Montrouge.
Militant du syndicat unitaire du Bois, il adhère au Parti communiste en 1925 (il donne la date de 1928 dans son autobiographie de Moscou).
Ses qualités de propagandiste lui valent d’être appelé, en avril 1930, au secrétariat du travail antimilitariste de la CGTU, fonctions qu’il quitte l’année suivante, en mai, pour diriger, comme permanent, l’association des Amis de l’Union soviétique (A.U.S.), installée au 20, rue du Mail, dans le quartier du Sentier (Paris 2e). Après un certain succès à sa création (25 000 adhérents en 1928), cette organisation serait tombée à trois cents membres, et Aubert est l’artisan de son redressement.
En avril, 1932, la direction nationale – dont Paul Vaillant-Couturier – reconstituée peut tenir le deuxième congrès. À la demande de Maurice Thorez, Fernand Grenier vient le soutenir à partir de novembre 1932. L’association s’ouvre largement aux non-communistes malgré l’opposition durable de certains militants. La revue initiale, L’Appel des Soviets, est relancée sous le titre Russie d’Aujourd’hui.
Le Xe congrès national, réuni le 8 juin 1935 au Palais de la Mutualité (Paris), élit Fernand Grenier secrétaire national, Gaston Aubert secrétaire-adjoint, Henri Lebrun trésorier et Marcel Koch trésorier adjoint. G. Aubert est en outre secrétaire des A.U.S. de la région parisienne.
Le 27 mars 1939, la commission militaire de réforme de la Seine le réforme définitivement n° 2 pour différents problèmes de santé.
Début septembre 1939, Gaston Aubert approuve le Pacte germano-soviétique et l’explique dans une affiche. Le 4 septembre, le Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à une peine de prison pour infraction aux décrets concernant le contrôle de la presse (24 et 27 août 1939). Le 3 janvier 1940, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris le condamne à un an de prison, à 2000 francs d’amende et 20000 francs de décimes additionnels (impôt sur les amendes) ; est-ce une simple confirmation du 1er jugement ? Le 19 mars, la Cour de cassation ajoute 15 jours de détention et 1000 francs d’amende. Condamné aux frais, Gaston Aubert doit 24 436,20 francs en août 1941 !
Entre temps, le 3 octobre 1940, l’association des Amis de l’Union soviétique et la fédération parisienne des A.U.S. se voient notifier leur dissolution, et leurs journaux respectifs, Le Militant et Le Trait d’Union, signifier leur interdiction de paraître.
Pendant la débâcle (mai-juin 1940), Gaston Aubert s’évade pour reprendre clandestinement la publication de la revue Russie d’aujourd’hui (à moins qu’il ne soit libéré à l’entrée des Allemands dans Paris le 14 juin ; à vérifier…). En septembre, le commissaire de Montrouge constate que « Monsieur Aubert a abandonné sa femme. Parti sans laisser d’adresse. » (sic) De fait, Gaston Aubert vit au 20 ou 22 rue Rambuteau à Paris 4e, chez Suzanne Paul, née Baille le 27 juin 1902 à Paris 3e, séparée et en instance de divorce de Marcel Paul, militant syndical de l’Énergie, ex-conseiller municipal communiste du 14e arrondissement (Plaisance).
Début 1941, des inspecteurs des brigades spéciales des Renseignements généraux sont à la recherche de ce cadre communiste entré en clandestinité ; ils pensent pouvoir le trouver chez son épouse. Le 6 janvier, ils se présentent au domicile de celle-ci. Elle leur remet spontanément cinq exemplaires ronéotypés de L’Humanité clandestine n° 93 du 12 décembre 1940, dissimulés entre deux coussins placés dans un angle de la salle à manger Interrogée, elle refusera d’en indiquer la provenance. Les policiers l’appréhendent, en même temps que Gaston Aubert qui se trouvait dans l’appartement. Ils perquisitionnent ensuite le domicile de celui-ci, où ils trouvent une feuille dactylographiée portant des textes de “papillons”, soixante tracts récents, un exemplaire des Cahiers du Bolchévisme et un Rapport du camarade Molotov, ainsi que des documents sur ses activités antérieures à la guerre. Suzanne Paul est envoyée au dépôt le 9 janvier « pour activité ayant pour but la diffusion de mots d’ordre de la IIIe Internationale ou d‘organismes s’y rattachant par la détention à son domicile en vue de la distribution de tracts de propagande clandestine. Aubert est inculpé de complicité pour aide et assistance ; comme concubin depuis plusieurs mois […], il lui était impossible d’ignorer l’activité politique de sa maitresse… ».
Le 8, il est inculpé d’infraction au décret du 26-09-1939 et écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e (écrou n° 304985).
Le 10 mars, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à dix mois d’emprisonnement. Suzanne Paul est condamnée à 18 mois.
Le 8 avril, Gaston Aubert est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne) ; cellule 149.
Le 26 mai, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris confirme le premier jugement.
Gaston Aubert est libérable le 24 août, mais reste détenu, certainement faute de pouvoir payer son amende : quatre mois de prison en cas de non paiement (contrainte par corps ?).
Gaston Aubert est libérable le 24 août, mais reste détenu, certainement faute de pouvoir payer son amende : quatre mois de prison en cas de non paiement (contrainte par corps ?).
À l’expiration de sa peine, le 24 décembre 1941, il n’est pas libéré : le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Probablement transféré le jour-même, Gaston Aubert est ensuite détenu au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).
Le 3 janvier 1942, Gaston Aubert fait partie d’un groupe de 50 détenus – 38 internés politiques et 12 “indésirables” (droit commun) – extraits du du dépôt et transférés “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé (Vienne). Ils sont conduits en car, sous escorte, jusqu’à la gare d’Austerlitz où les attend un wagon de voyageurs réservé (10 compartiments ; départ 7h55 – arrivée 18h51).
- Groupe d’internés du camp de Rouillé.
Parmi eux, plusieurs futurs “45000”.
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Sur la photographie ci-dessus, Gaston Aubert est le quatrième homme debout en partant de la droite.
Selon une note de la police datée du 18 février 1942, il est peut-être le dénommé « Aubert » qui figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion ».
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 150 internés de la Seine (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Gaston Aubert est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Gaston Aubert est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45181 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée, mais elle est surexposée avec celle d’un autre détenu).
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Gaston Aubert est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.
Affecté à la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres), Gaston Aubert participe aux activités de groupe français de résistance du camp. Fernand Devaux est en contact avec lui. Louis Eudier, affecté au Kommando des pommes de terres, partage avec Gaston Aubert les suppléments de nourriture qu’il obtient en échange de quelques corvées.
En France, le 8 juin 1943, Antoinette Aubert s’adresse à François (de) Brinon, ambassadeur de France dans les territoires occupés, afin d’obtenir par son intermédiaire des nouvelles de son mari, dont elle est sans nouvelles depuis le 6 juillet 1942.
En juillet suivant, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier concernant Gaston Aubert…).
À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Gaston Aubert est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 7 septembre 1944 , il est dans le petit groupe de trente “45000” transférés – dans un wagon de voyageurs ! – au KL [2] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw.
Après une période de quarantaine dans ce camp, il est affecté au Kommando Siemens avec neuf autres « 45000”. Selon Louis Eudier, Gaston Aubert entre au Revier, en même temps qu’André Bardel, à cause d’ulcères aux jambes.
En février, Gaston Aubert est parmi les quinze “45000” évacués vers complexe concentrationnaire de Dora-Mittelbau et répartis dans différents Kommandos.
Le 11 avril 1945, Dora est évacué. Gaston Aubert se retrouve, comme Lucien Boudou et Lucien Ducastel, dans une colonne dirigée sur le KL Ravensbrück.
Il meurt dans ce camp le 15 avril 1945, tué à l’infirmerie juste avant l’évacuation, ou pendant celle-ci.
Son nom est inscrit (ses prénoms étant réduits aux initiales) sur une des plaques dédiées « aux Montrougiens morts pour la France… », situées dans le hall de la mairie. Deux nommés Aubert – Émile et Eugène Marius – sont morts en 1914-1918 : s’agit-il de parents ? (à vérifier…)
Sources :
Jean Maitron et Claude Pennetier, in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, CD-rom, 1990-1997, Morts pendant la Seconde Guerre mondiale en raison de leur action militante, citant : Arch. Nat. F7/13127, décembre 1931 – Arch. PPo. classement provisoire 352 – Arch. CRCEDHC, Moscou – Secrétariat d’État des Anciens combattants et victimes de guerre – Fernand Grenier, Ce bonheur-là, éditions sociales, 2e trim. 1974, pages 129-132, 339, (iconographie 336-337).
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 178, 211, 214, 350 et 352, 365 et 393.
Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre des naissances de Montrouge, année 1897 (E NUM MON N1897), acte n° 144 (vue 38/86).
Archives de Paris ; registre des matricules militaires, classe 1917, 3e bureau du recrutement de Paris, volume 5001-5500 (D4R1 1993), Aubert Gaston Victor, n° 5121.
Archives Départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : Prison de Fresnes, dossier des détenus “libérés” du 20 au 31-12-1941 (511w28).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; archives des Renseignements généraux de la préfecture de police (consultation sur écran), brigade spéciale anticommuniste, registre des affaires traitées 1940-1941 (G B 29).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 22.
Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 482 973), numérisations de certains documents transmis par Laurent Thiery, dans le cadre de la rédaction du Livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora, camp de concentration et d’extermination par le travail, La Coupole, Centre d’Histoire et de Mémoire du Nord-Pas-de-Calais, Éditions du Cherche-Midi, 2020.
Site Mémorial GenWeb, 92-Montrouge, relevé de Claude Richard (08-2006).
Sources :
[1] Montrouge et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 21-05-2021)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.